SE PROTÉGER EN CAS DE BALANCE DE PRIX DE VENTE
Vous prévoyez vendre les actions ou les actifs de votre entreprise? Vous acceptez de financer une partie de cette vente? Cela veut dire que vous ne serez pas payé en totalité au moment de la signature de la vente et qu’une balance de prix de vente vous sera due par le ou les acheteur(s).
Cette décision de financer la vente peut se justifier pour plusieurs raisons. Que ce soit, par exemple, en raison de la difficulté de trouver un acheteur, de la difficulté pour l’acheteur de trouver du financement ou son manque de liquidité ou encore parce que cela s’avèrera un investissement. Dans tous les cas, nous vous conseillons de détailler clairement les modalités applicables au remboursement de la balance de prix de vente dans un contrat de vente. Pour connaître plus amplement l’importance et les clauses à être contenues au contrat de vente, cliquez ici.
Cette décision de financer la vente s’avère généralement risquée. Il est donc important de réduire et/ou limiter ce risque. Le présent article vise justement à vous exposer différents mécanismes de protection dans une telle situation.
Pour les fins du présent article, nous utiliserons l’exemple suivant afin de mieux illustrer chacun des mécanismes de protection.
- Jacques et Martin achètent Les Entreprises SG inc., dont l’unique propriétaire est Sandra Germain.
- Les Entreprises SG inc. est une entreprise spécialisée dans le domaine de l’entretien ménager.
- Après avoir consulté leurs conseillers juridiques, Jacques et Martin procèdent à l’acquisition de la totalité des actions détenues par Sandra Germain dans l’entreprise Les Entreprises SG inc. Pour en apprendre d’avantage sur la différence entre l’achat des actions ou des actifs d’une entreprise, veuillez cliquer ici.
- Le prix d’achat des actions est de cent mille dollars (100 000 $). La moitié est payable comptant à la signature de la vente et le solde de cinquante mille dollars (50 000 $), est payable en parts égales entre Jacques et Martin à Sandra Germain, par des paiements mensuels, égaux et consécutifs sur une période de vingt-quatre (24) mois.
La solidarité c’est quoi ? C’est un principe juridique qui permet au créancier de la dette, ici au vendeur, de réclamer à chacun des acheteurs la totalité de la somme due. Lorsque prévue au contrat de vente, le vendeur n’a pas à justifier son choix et peut diriger sa réclamation vers l’acheteur de son choix. Ce mécanisme de solidarité permet d’éviter des situations où l’un des acheteurs devient insolvable ou encore introuvable.
Le paiement total par l’un des acheteurs libère les autres acheteurs à l’égard du vendeur. Celui qui a payé à la place des autres acheteurs doit alors se retourner vers ces derniers afin de se faire rembourser.
- Dans notre exemple, prenons le cas où Martin a des difficultés financières et n’effectue plus les paiements à Sandra. S’il a été prévu dans le contrat de vente que Jacques et Martin étaient solidairement responsables de la balance de prix de vente, Sandra pourra réclamer de Jacques la part impayée de Martin. Il reviendra à Jacques à entreprendre les démarches qui s’imposent afin que Martin lui rembourse le montant qu’il a payé en trop.
2. LE CAUTIONNEMENT
Le cautionnement permet au vendeur d’avoir un autre débiteur, en plus du ou des acheteurs, à qui il pourra réclamer les montants impayés sur la balance de prix de vente. La caution sera tenue de payer le vendeur seulement en cas de défaut du ou des acheteur(s). Le cautionnement peut également être solidaire. Ainsi, la caution s’engage envers le vendeur pour la totalité de la dette.
Un cautionnement est utile lorsque le ou les acheteur(s) n’ont pas d’historique de crédit ou n’ont aucun ou peu d’actifs à donner en garantie ou encore lorsque l’acheteur est une nouvelle société par actions.
- Dans notre exemple, prenons le cas de Jacques qui a déjà une entreprise, Les Immeubles J.A.C. inc., propriétaire d’un immeuble commercial et qui a une bonne situation financière.
- Dans le cadre de l’achat de Les Entreprises S.G. inc., Jacques pourrait offrir ou Sandra pourrait exiger, à titre de garantie, que Les Immeubles J.A.C. inc. cautionne les obligations de Jacques et Martin afférentes au paiement de la balance de prix de vente. Ainsi dans l’éventualité où ni Martin ni Jacques n’effectuent les paiements requis à Sandra, cette dernière pourrait exiger le paiement à Les Immeubles J.A.C. inc., en sa qualité de caution. La société Les Entreprises SG inc. pourrait également cautionner les obligations des acheteurs.
3. EXIGER LA TOTALITÉ AVANT L’EXPIRATION DU TERME
En principe, lorsqu’un terme est accordé à ou aux acheteur(s), il bénéfice à ce ou ces derniers.
Afin d’illustrer ce propos, reprenons notre exemple. Un terme de vingt-quatre (24) mois a été accordé à Jacques et Martin pour payer la balance de prix de vente. Sous réserve de ce qui suit et de certaines exceptions, Sandra ne peut exiger la totalité du paiement avant l’expiration de ce terme de vingt-quatre (24) mois.
Le Code civil du Québec prévoit, toutefois, qu’en certains cas le ou les acheteurs perdent le bénéfice du terme, permettant au vendeur d’exiger la totalité de la créance. C’est aussi ce qu’on appelle la déchéance du terme dans le jargon juridique. Les cas prévus dans la loi sont : l’insolvabilité, la déclaration de faillite, la diminution volontaire et sans consentement des sûretés garanties et le défaut de respecter les conditions pour lesquelles le terme lui a été accordées.
Il est possible de prévoir dans le contrat de vente d’autres situations pour lesquelles le ou les acheteurs perdront le bénéfice du terme. Voici quelques exemples à prévoir dans le contrat et non couverts par la loi :
– le défaut de l’acheteur d’effectuer un (1) versement après un certain délai établi et/ou un avis écrit;
– toute opération ayant pour effet d’opérer un changement de contrôle dans l’entreprise;
– le rappel d’un prêt ou l’exerce des recurs hypothécaires par l’un des créanciers de l’acheteur.
- Martin et Jacques ont effectué les douze (12) premiers versements à Sandra. Sandra a donc reçu la somme de vingt-cinq mille dollars (25 000 $) à ce jour et il lui reste toujours vingt-cinq mille dollars (25 000 $) à recevoir. Il reste douze (12) mois au terme accordé.
- Martin et Jacques n’effectuent pas le treizième (13e) versement et Sandra apprend qu’ils déclarent faillite. Martin et Jacques perdent ainsi le bénéfice du terme. La totalité de la créance due par Martin et Jacques, soit vingt-cinq mille dollars (25 000 $) devient ainsi exigible immédiatement et en totalité. Sandra peut donc réclamer tout ce qu’il reste à lui payer et non seulement le treizième (13e) versement.
4. LES HYPOTHÈQUES
L’hypothèque est une garantie bien connue. Elle permet au vendeur de prendre des biens, meubles ou immeubles, en garantit du paiement de sa créance. Ceci la distingue des mécanismes 1 à 3 inclusivement ci-avant mentionnés qui constituent plutôt des mécanismes ou des mesures de protection applicables contre des personnes, alors qu’ici elle agit contre des biens.
L’hypothèque peut être consentie par l’un des acheteurs ou par un tiers. Elle peut être consentie par une personne physique ou morale (société par actions). Le vendeur pourra donc prendre en garantie les biens de l’entreprise vendue ou encore les biens des acheteurs.
- Les Immeubles J.A.C. inc. pourrait hypothéquer en faveur de Sandra l’immeuble commercial qu’il détient ou encore l’ensemble des équipements, mobiliers, inventaires et autres biens qu’elle possède. Sandra pourrait également prendre en garantie les actions qui ont fait l’objet de la vente.
5. VENTE À TEMPÉRAMMENT
Par un contrat de vente à tempérament, il est possible de prévoir que le vendeur se réserve la propriété des biens vendus jusqu’au paiement total des sommes dues. En principe, le ou les acheteurs deviendront propriétaire(s) uniquement suite au paiement total des sommes dues. Ainsi, en cas de défaut de l’acheteur, le vendeur pourra, sous certaines conditions, reprendre possession des actifs ou actions vendues.
- Sandra Germain pourrait conserver le droit de reprendre possession des actions vendues jusqu’au parfait paiement. Les certificats d’actions pourraient donc être conservés en dépôt afin de lui permettre d’exercer ce droit, le cas échéant.
6. CONSERVER UN CERTAIN CONTRÔLE
Il est possible de prévoir, dans le contrat de vente, différentes clauses particulières visant à assurer un certain contrôle au vendeur sur l’entreprise malgré la vente.
Par exemples, il est possible de prévoir que tant qu’un solde sur la balance de prix de vente demeurera dû, le ou les acheteur(s) devront obtenir l’approbation du vendeur pour :
– le versement des dividendes;
– fixer les salaires des dirigeants;
– préalablement à toute liquidation, vente totale ou substantielle des actifs ;
– préalablement à toute opération ayant pour effet d’opérer un changement de contrôle de l’entreprise.
CONCLUSION
Le choix des mécanismes de protection à être consentis au vendeur devra faire l’objet de négociation préalable avec l’un ou les acheteur(s). Évidemment, il serait inutile de prévoir la totalité des mécanismes de protection prévus aux présentes. L’objectif est de trouver un juste équilibre entre ces mécanismes afin de protéger adéquatement et raisonnablement le vendeur. Il faut également évaluer l’efficacité des mécanismes choisis. En effet, vous comprendrez que le cautionnement d’une personne insolvable est de peu d’utilité. Autre exemple, une hypothèque sur un immeuble déjà hypothéqué pour la totalité de sa valeur marchande en faveur d’une institution financière s’avérera également de peu d’utilité.
Il nous fera plaisir de vous assister dans le choix des bons mécanismes de protection à prévoir, ainsi que de rédiger votre contrat d’achat-vente en conséquence, afin de vous assurer une protection efficace.
Me Véronique Vachon
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